Il n’y a pas de lieu où l’art n’ait pas sa place
Aucune journée ne ressemble à une autre.
Un service de pédiatrie compte de nombreuses entrées et sorties d’enfants en une seule et même journée. Ils sont d’une grande fragilité, et leur état de santé peut changer à tout moment. Celui qui s’est montré très actif et créatif un matin peut, l’après midi, ne pas pouvoir sortir de son lit, subissant de violentes nausées ou éprouvant une immense fatigue liée à sa maladie et à son traitement. C’est la raison pour laquelle, chaque matin en arrivant, nous prenons le temps de rencontrer l’équipe soignante afin de prendre des nouvelles de chacun : savoir comment les enfants ont passé la nuit, lesquels souffrent, qui est de retour pour une chimio ou une aplasie, quel est le petit nouveau qui vient d’arriver et quelle est sa situation familiale. Ces informations nous sont indispensables avant de nous retrouver face à eux.
Quand il s’agit d’un premier contact, nous prenons le temps qu’il faut pour rester à leur chevet et faire connaissance : nous parlons de l’atelier, nous évoquons les travaux en cours, nous les faisons parler d’eux, de leur vie, de leurs goûts, nous essayons de saisir au vol un mot, une phrase qui peut-être nous conduira vers un désir enfoui. C’est souvent un long travail d’ « apprivoisement », indispensable car ces enfants ont tendance à se replier sur eux-mêmes et sur leur douleur. Après avoir fait le tour des chambres, nous les accueillons dans l’atelier qui est une pièce ouverte à tous, à partir de 6 ans. Ils savent qu’ils peuvent y venir à tout moment. Notre rôle est de leur donner les moyens graphiques et picturaux de les ouvrir à des connaissances sur la couleur, la matière, la lumière, l’espace.
Nous devons également nourrir leur imaginaire, les amener à se questionner sur leur pratique et celle des autres. Nous sommes à leur écoute, n’imposons rien, nous nous appuyons sur leurs désirs et leurs motivations, et tentons seulement de les ouvrir à « ce quelque chose en eux qu’ils ne connaissent pas » et leur donnons les moyens de l’exprimer. Il nous faut également aller voir les enfants dans les chambres stériles en prenant soin de décontaminer couleurs, papiers, toiles, crayons, peintures etc… Nous nous rendons également au chevet des enfants qui ne peuvent sortir de leur lit. Nous devons en permanence nous adapter au rythme de ces jeunes malades.
Si certains préfèrent travailler seuls, une grande majorité d’entre eux se laisse facilement convaincre et même accepte avec enthousiasme de participer à un projet commun sur un thème donné, qui donnera lieu en fin d’année scolaire à une exposition, si possible dans un lieu prestigieux. C’est un vrai travail d’équipe qui leur permet de sortir de leur isolement, qui les stimule, leur redonne de l’énergie. Ils apprennent ainsi à mieux se connaître, et retrouvent dans cet échange beaucoup de complicité et même d’amitié.
Nous avons tous besoin de beau et de bon, l’enfant malade encore plus peut-être que nous tous. Cette activité créatrice est indispensable pour accompagner les enfants plongés dans le désarroi de la maladie. En créant, ils sont dans le plaisir, ils se révèlent à eux-mêmes, ils s’apaisent et éprouvent une immense fierté.